Difficile de mettre des mots sur le deuil périnatal sans l’avoir vécu. C’est la principale raison pourquoi Josée Bournival n’a jamais eu l’intention d’en parler au sein de la série Bébé Boum jusqu’à ce que la vie en décide autrement et qu’elle le vive. Inévitablement, après avoir tenté le plus possible de s’éloigner de l’autobiographie ou de l’autofiction, un seul passage de Bébé boum 3 est calqué sur sa réalité. Celui de la fausse couche.
L’auteure l’avoue d’emblée, elle se voyait mal écrire sur un sujet qu’elle ne connaissait pas. « À la sortie de mon premier tome, une lectrice est venue faire dédicacer son livre au salon de Trois-Rivières et elle s’est mise à pleurer en me disant qu’elle aurait aimé ça qu’un des personnages ne porte pas sa grossesse à terme, parce qu’elle-même n’était pas capable. Elle venait de faire trois fausses couches et ça m’a rentré dedans.»
À l’époque, elle s’est donc mise à considérer l’idée. Mais sans connaître le sujet et n’ayant personne de son entourage qui l’ait vécu, elle était mal à l’aise de le faire. « Le sujet est délicat, depuis le début de la série j’essaie de rester collée à la réalité des mamans, parce que j’ai envie que les gens se disent « Ha tabarouette, c’est tellement ça! » et prendre le risque de mal l’aborder? Je me disais que mes lectrices l’ayant vécu n’avaient pas besoin de ça.»
L’événement qu’aucune femme ne veut vivre est malheureusement arrivé à Josée Bournival. Comprenant tout ce qu’une fausse couche génère en émotions et la difficulté de l’entourage de bien comprendre la situation, elle a vu à quel point le tout est traité banalement. « C’est fou à quel point les gens banalisent ce que l’on vit. À quel point il y a une différence entre ton vécu et celui de ton chum. Ça vient te chercher aux trippes et ça reste longtemps. Et ça, de l’avoir vécu, m’a donné le droit d’aborder ce sujet-là. Je l’ai vécu, j’ai le droit d’en parler, je sais ce que c’est.»
Elle s’est donc permise non sans heurts d’aborder le deuil périnatal au sein de Bébé Boum 3. « C’était facile de coller ma fausse couche au personnage. Ce qui a été difficile, c’est d’être honnête, d’aller chercher de nouveau ces émotions-là. Parce que la fausse couche du personnage, c’est la mienne. C’est facile de dire qu’une femme qui perd un bébé est triste. Ça ne veut rien dire, c’est plus que ça. Elle a honte. Parce qu’on est une société de performance et que pour quelque chose d’aussi basic, ton corps te lâche. T’as pas le contrôle et beaucoup de femmes vivent la fausse couche comme un échec. C’est terrible.»
Une femme sur cinq ne mènera pas sa grossesse à terme. Josée ne pensait jamais en faire partie après deux grossesses. « C’est pas le genre de sujet qui te préoccupe quand ça ne t’arrive pas, et quand t’es enceinte tu ne veux pas vraiment penser à ça. À partir du moment où tu as perdu un enfant, tu prends jamais rien pour acquis. C’est sûr que je ne passe pas chacune des minutes de ma vie à angoisser sur le fait que je pourrais perdre mon bébé, mais je sais que la possibilité existe, et revenir dans tout ça à répétition quand t’es enceinte, c’est vraiment pas le fun.»
Dans Bébé boum 3, elle aborde plus que simplement la mort d’un enfant. « T’avais des projets pour cet enfant-là, c’est tout ça qui meurt, le premier Noël, le premier habit que tu lui avais acheté pour le printemps; c’est pas juste le bébé proprement dit. » Replonger dans cette tornade d’émotions étant enceinte de son 4e enfant est tout un défi pour elle, mais il est important selon l’auteure d’aborder la réaction de l’entourage et du conjoint. « Quelqu’un qui est en deuil n’a pas nécessairement envie de faire l’amour. Le plaisir est pas quelque chose que tu recherches, mais quand tu veux faire un bébé, faut que tu fasses l’amour, ça vient ensemble. Et vient souvent un moment où ton conjoint te dit, ben là si on veut un bébé faut retourner vers le plaisir, mais toi, t’es pas là pantoute. Ça peut être vraiment heurtant.»
Josée Bournival espère toucher ses lectrices comme elle a su le faire à travers d’autres sujets de la maternité, car la fausse couche fait aussi partie de la maternité que l’on le veuille ou non. Et si vous lui demandez s’il est possible de lire le troisième tome de Bébé Boum sans avoir lu les deux premiers, elle vous répondra que « oui, surtout lui, parce qu’il parle du deuil périnatal, c’est sûr que tu n’as pas le background complet des personnages, mais il peut se lire seul sans problème.»
Il n’était pas prévu pour Josée de faire la promotion du livre abordant le deuil périnatal tout en étant enceinte, mais ce retard, c’est peut-être une façon de boucler la boucle et de se dire que sans oublier, la vie continue.
*Josée Bournival est présentement animatrice, conférencière, écrivaine et blogueuse chez Naître et grandir.