J’ai récemment visionné le film Le Mirage, réalisé par Ricardo Trogi, produit par Louis Morisette et Christian Larouche. D’entrée de jeu, je tiens à mentionner que je ne ferai pas une critique du film, mais je présenterai plutôt l’analyse sexologique que j’en ai faite.
Un homme et son malheur
Le Mirage c’est principalement l’histoire de Patrick Lupien, marié depuis 11 ans à Isabelle et père de deux enfants. Ici, l’histoire nous est présentée du point de vue de notre anti-héro, Patrick. Trame de fond de l’histoire, un couple à la dérive, un homme et une femme qui deviennent uniquement parents et non amants. Un homme brisé qui voit son entreprise s’écrouler et son argent s’envoler. Autre thème exploité: la surconsommation, une réponse au mal-être des gens et à leur quête du bonheur. Tout au long du film, le paraître au détriment de l’être est omniprésent, comme le suggère si bien le titre.
Quand la sexualité devient dépendance
J’ai lu récemment quelques textes d’opinions au sujet de la sexualité du personnage ou encore de la représentation des rapports homme-femme dans le film. Vous aurez sans doute compris que je parle du texte L’homme des cavernes de Martine Delvaux, professeure à l’UQAM et écrivaine, publié dans La Presse, et de celui de Richard Martineau publié dans Le Journal de Montréal. Je ne suis d’accord ni avec l’un et surtout pas avec l’autre. Tel que le soulève Mme Delvaux, oui nous assistons malgré nous à une agression sexuelle et à une tentative d’agression sexuelle au cours du film. Non, il ne s’agit pas de baiser comme le prétend monsieur Martineau, qui banalise les gestes de violence liés à la sexualité dans le film. Monsieur Martineau fait d’ailleurs preuve de machisme dans ses propos envers Mme Delvaux et attaque gratuitement son intégrité. Je ne m’attarderai donc pas à son texte, mais plutôt à celui de Mme Delvaux.
Selon Mme Delvaux, « Ce que le film semble dire, c’est que le burn-out de la conjointe et son absence de libido sont responsables des actes de violence. » Ici, je ne suis pas d’accord. Je n’ai pas interprété l’histoire de la même façon. Je vois dans ce film un homme qui est incapable de s’exprimer et qui souffre. La scène de dispute où il est d’abord dans l’impossibilité de formuler une phrase, où il est incapable d’expliquer ses agissements à sa femme, en est un bon exemple. Nous avons devant nous un homme qui refoule ses émotions au lieu de les exprimer. Un homme dont l’impuissance se transformera en colère… colère contre sa femme, colère contre tous, colère contre LA VIE. Lupien n’est plus, selon lui, maître de ce qui lui arrive. Découragé et incapable de voir sa part de responsabilité, il se réfugie dans la sexualité. Sexualité qui deviendra une addiction. Nous aurions pu très bien remplacer la masturbation excessive, la compulsion dans la pornographie ou encore le fait de fantasmer sur la meilleure amie de sa femme et son employée, par une dépendance à la drogue ou l’alcool. Les actes de violence présentés dans le film ne sont pas excusés par la dépression de la conjointe et son manque de libido, mais représentent plutôt le véhicule de la colère de Patrick.
La scène qui illustrera sans doute le mieux mes propos est celle où Patrick et son employée reviennent d’une soirée endiablée. Tous les deux brûlent de désir, ou plutôt, rectification, la jeune fille brûle de désir pour son employeur. Les deux s’embrassent avec fouge (jusqu’ici tout va bien), lorsque Lupien accote violemment la femme dans la fenêtre de la chambre pour la pénétrer d’un seul coup, d’une façon on ne peut plus agressive et désintéressée. Quelques secondes plus tard, notre protagoniste éjacule, alors que la jeune femme émettait des plaintes de douleur. Silence radio, personne ne se parle. On comprend ici que l’employée n’a vécu aucun plaisir, a été blessée et humiliée, voire agressée. Elle a été l’objet sur lequel s’est défoulé Patrick. Désolée pour le teneur de mes propos, mais ici Lupien se « vide » littéralement sur la jeune fille. Vous aurez compris, je l’espère, tout le sens que j’ai voulu octroyer à ce mot. Non, il n’agit pas ainsi uniquement en réponse à la sexualité défaillante de son couple. Il importe de saisir toute la complexité du personnage avant de s’exprimer sur le sujet. Cet exemple n’est qu’un parmi tant d’autres présentés au cours du film.
Le Mirage portrait d’une génération?
Je ne crois pas que Louis Morissette ait la prétention de vouloir tracer dans Le Mirage un portrait de la façon dont tous les hommes expriment leur désarroi et traversent une crise, comme le prétend la chroniqueuse. On nous présente ici l’histoire d’un couple et la trajectoire d’un homme, et non de tous les hommes.
Ce film peut représenter un bon point de départ pour une discussion enflammée entourant les rapports homme-femme, les genres et la recherche d’aide, les relations de couple, ou encore la notion de consentement.
Le Mirage banalise-t-il la violence sexuelle faite aux femmes?
Au final, je suis heureuse d’avoir été au cinéma pour regarder Le Mirage. Je suis fière d’avoir encouragé des producteurs et un réalisateur dont j’admire réellement le travail. Ce film vous fera assurément vivre un amalgame d’émotions. Pour répondre à la question posée dans mon titre, NON, Le Mirage ne banalise pas la violence sexuelle et ne fait surtout pas la promotion de la culture du viol, contrairement à ce que peuvent laisser croire certains textes. Il exprime une réalité que vivent certains hommes. Une façon malsaine chez certains d’entre eux de fuir la réalité et de s’adapter à une situation hors de leur contrôle (notez que les femmes aussi peuvent tomber dans ce type de stratégie d’adaptation).
Et vous, quelles sont vos impressions au sujet du film?
Mélanie Guénette-Robert, diplômée en sexologie (M.A recherche-intervention)
Crédits photo: Showbizz.net