Je ne t’aime pas. Ces mots, je ne te les dirai jamais. Parce que tu es mon sang, parce que tu es mon fils. Je ne te les dirai jamais, mais je te mentirais si je te disais que je ne les ai jamais pensés.
Parfois, quand tout va mal, quand c’est la crise, quand je n’en peux plus, quand je ne sais plus quoi faire, quand je suis épuisée, ça m’est arrivé de le penser. Et tout de suite, je coupe cette pensée et je me parle fort.
Pour une raison que j’ignore, tout semble plus difficile avec toi. Je ne sais pas comment tu fonctionnes. Pourtant je t’ai porté, non? Je devrais le savoir, non? Je devrais savoir ce qui te rend heureux, non?
Je ne compte même plus le nombre de crises que tu fais par jour, j’apprends à vivre avec elles. Je sais que peu importe ce qu’on fera, tu résisteras et s’en suivra une crise quelconque : cris, frustration, boudage, frappage, refus, etc.
Quand je pense à ça, je me dis que tu n’es pas heureux, mais pour vrai, je ne sais pas quoi faire d’autre. Alors, parfois je me dis que tu serais peut-être mieux ailleurs, dans une autre famille et ensuite je m’en veux d’avoir pensé ça, puis je pleure parce que je t’aime tellement.
On ne m’a jamais dit que c’était possible de vivre ça. De ressentir ça. De culpabiliser comme ça. De se sentir seule avec ça. D’être pognée avec ça.
Dernièrement, tu as demandé à jouer au hockey. Tout de suite, j’ai pensé à toutes les crises potentielles : se lever tôt le matin, manger vite, s’habiller, partir pour l’aréna, ne pas vouloir mettre telle ou telle partie de l’équipement, ne pas vouloir aller sur la glace, bouder parce que tu ne sais pas patiner, te fâcher parce que tu trouves ça trop long la pratique.
Malgré ça, on t’a inscrit au hockey. Tu l’as marqué sur le calendrier de la maison. Tu as compté les dodos jusqu’au premier jour de ta première pratique.
À l’aréna, ton père et moi, nouveaux dans cette discipline, avons tenté tant bien que mal de t’habiller comme il faut en épiant comment les autres parents faisaient. À la fin, tu avais tous tes morceaux, mais je suis pas certaine qu’ils étaient tous à la bonne place.
Puis, l’heure de la glace a sonné. Je t’ai regardé marcher en pingouin avec tes petits patins et ton petit bâton. Juste avant d’embarquer sur la glace, tu t’es tourné vers moi, tu m’as serré dans tes bras et tu m’as dit : Je t’aime tellement maman!
Je t’ai regardé à travers le grillage de ton petit casque et tu m’as souri à pleine dent. Tu as ajouté : Je suis vraiment heureux!
Pour la première fois, de toute ta petite vie, je t’ai vu heureux, profondément. Pour une rare fois, j’ai eu le privilège de voir à travers tes yeux jusqu’au centre de ton cœur. J’ai respiré ton bonheur, les yeux pleins d’eau, et je t’ai regardé rayonner sur la patinoire.
Parce que j’ai vu ton bonheur, je sais maintenant qu’il est possible. J’ignore toujours pourquoi il semble si difficile à atteindre et j’ignore aussi pourquoi je me sens si confrontée, mais je sais, maintenant, qu’il existe.
À la prochaine crise, parce qu’il y en aura d’autres, lorsque dans ma tête ça dira « Je ne t’aime pas » je ne couperai pas ma pensée, non, je la laisserai aller jusqu’au bout parce que je crois bien que la fin de cette phrase est « Je ne t’aime pas…je t’adore ».
Mère Rebelle
*Crédits photo pour l’image de l’article : Mc Knoell Alexis