Quand j’étais petite, je jouais parfois à me batailler avec mon père dans son lit. Je riais aux éclats. Il me chatouillait jusqu’à ce que je dise Pardon mon oncle en hurlant de rire! Puis l’été, dans notre piscine chauffée (on était les hot de mon quartier), mon père me lançait dans l’eau en criant : Voici Georgette la baleine! Ou Flipper le dauphin! Je pouvais refaire ça des centaines de fois, je me tannais jamais.
Ça, ce sont les plus beaux moments et les plus beaux souvenirs que j’ai avec mon père. Les seuls.
Oui, parce que mon père, c’était le plus fort.
Mon père ne communiquait pas ses émotions correctement, il criait.
Mon père ne gérait pas ses émotions correctement, il frappait.
Mon père ne vivait pas ses peurs correctement, il méprisait.
Mon père ne respectait pas les gens qu’il aimait, il les détruisait.
Mon père c’était le volcan qui explosait en privé, à l’abri des regards de tous. Comme la fois où, enfant, je ne voulais pas partir de chez ma cousine parce que j’avais beaucoup trop de plaisir et qu’après 15 demandes de mon père, j’ai fini par m’habiller à reculons pour partir. Une fois dans l’auto, mon père a roulé deux coins de rue, s’est arrêté subitement, et m’a rué de claques et d’insultes. La prochaine fois, quand ça va être le temps de partir, il me l’dira pas 15 fois, c’tu clair?
C’était impossible de discuter avec lui. Quand il avait décidé quelque chose c’était comme ça pis c’était toute. Ça v’nait d’s’éteindre. Pis si j’argumentais? Le volcan explosait.
Je me souviens précisément de mon sentiment d’impuissance et de mon sentiment d’injustice parce que j’étais prise dans le corps d’une petite fille de 8 ans. Je pouvais rien faire. Je regardais mon père, me tenir facilement à une main pendant qu’il me frappait de l’autre, et à travers mes yeux embrouillés par mes larmes de rage, je me disais : Dans ma tête, il ne peut pas m’atteindre. Il peut frapper n’importe où, mais pas dans mes pensées.
J’ai protégé mes pensées, j’ai grandi et je ne vois plus mon père. C’est beaucoup mieux ainsi.
J’ai travaillé fort pour enlever les marques que cette relation-là a étampées dans mon ADN et même si ce ne sera jamais tout à fait terminé, je sais maintenant que ce ne sont pas tous les pères qui sont comme ça.
J’ai la chance d’avoir autour de moi des hommes qui sont magnifiques, sensibles et vrais.
J’ai la chance d’avoir un amoureux qui est un père exemplaire pour nos trois enfants. À chaque fois que je le regarde aller avec eux, il y a un baume qui se pose sur mes cicatrices.
Même si je verserai toujours une larme en cachette quand je regarderai un film avec une histoire père-fille, je suis bien aujourd’hui dans ma vie sans mon père.
Parce qu’on peut à la fois avoir de la peine et savoir que c’est mieux comme ça sans espérer que ça change.
Définitivement, mon père, c’était le plus fort. Heureusement, il ne l’est plus.
Mère Rebelle
Me suivre sur Facebook
Me suivre sur Twitter
www.emilieouellette.com
*Crédits photo pour l’image de l’article : Mc Knoell Alexis