Le 1er juin dernier, les Internets ont complètement été brisés (oui, je viens vraiment de franciser une expression anglaise parce que j’suis cool de même). Le magazine américain Vanity Fair a dévoilé la couverture de son édition du mois de juillet, mettant en vedette Caitlyn Jenner, autrefois connue sous le nom de Bruce Jenner, assumant pleinement sa nouvelle apparence féminine.
Bien qu’elle suscite toujours, après une semaine, de vives réactions sur les médias sociaux et qu’une docusérie entourant son processus transitoire sera diffusée à la chaîne E! dès le 26 juillet, l’ex-athlète de 65 ans rappelle que la séance photo à laquelle elle a participé pour le célèbre magazine n’a pas pour but d’attirer l’attention, la reconnaissance ni l’admiration du public :
This shoot was about my life and who I am as a person. It’s not about the fanfare, it’s not about people cheering in the stadium, it’s not about going down the street and everybody giving you ‘that a boy, Bruce,’ pat on the back, O.K. This is about your life.
L’importance du cas Caitlyn Jenner se traduit par l’absence encore omniprésente de l’acceptation vis-à-vis des personnes transsexuelles. Leelah Acorn, une jeune adolescente trans, s’est enlevée la vie en décembre dernier, car ses parents catholiques fortement croyants jugeaient qu’il était inconcevable que Dieu fasse des erreurs et que, pour cette raison, elle ne serait jamais réellement une fille, ce qui est totalement faux.
Le sexe qui nous a été assigné à la naissance prend en considération le fait que nous soyons dotés d’organes génitaux masculins ou féminins, ce qui revient à dire qu’il soit basé exclusivement sur des attributs génétiques physiques, donc relevant de l’apparence, mais qu’en est-il des hermaphrodites et de ceux et celles venant au monde avec les chromosomes XXY?
Cette anomalie génétique, portant aussi le nom de syndrome de Klinefelter, est caractérisée par la présence d’un chromosome X supplémentaire pouvant avoir diverses conséquences sur le développement corporel. Par exemple, un individu atteint du syndrome pourrait avoir une faible pilosité en raison d’un manque en testostérone, un manque de tonus musculaire et/ou pourrait même se voir développer des glandes mammaires.
Ainsi, le genre d’une personne ne peut se limiter qu’à ses caractéristiques corporelles. C’est aussi une expérience intime et personnelle, tel que le suggère la notion de l’identité sexuelle. L’identité sexuelle peut correspondre ou non au sexe désigné à la naissance, mais c’est avant tout un sentiment. Nous ne naissons pas homme ou femme, mais nous pouvons naître avec la conviction d’être un homme ou une femme.
Par respect pour Caitlyn Jenner qui a su, dès l’enfance, qu’elle était une fille, il est fortement recommandé d’éviter de l’appeler par son nom de naissance et de la désigner comme étant un « il ». Il n’est pas question de Bruce Jenner en femme, mais bien de Caitlyn Jenner telle qu’elle l’a toujours été : une femme. Il ne s’agit pas là d’une quelconque parure ou d’un déguisement, il s’agit de l’expression de son identité sexuelle. Après avoir passé 65 ans dans le mauvais corps, Caitlyn Jenner peut enfin être ce qu’elle est vraiment et embrasser pleinement sa féminité.
If I was lying on my deathbed and I had kept this secret and never ever did anything about it, I would be lying there saying, “You just blew your entire life. You never dealt with yourself,” and I don’t want that to happen.
Ayant eu l’audace et le courage de s’afficher au grand jour, Caitlyn Jenner s’est méritée le prix Arthur Ashe. D’ailleurs, elle ne le méritait pas plus ou moins que son « rival » Noah Galloway, un amputé de guerre ayant servi l’armée américaine. Le courage et l’héroïsme ne sont pas des traits caractériels se limitant qu’à un seul groupe de personnes. À leur façon, ils ont tous deux contribué à faire du monde un meilleur endroit. Toutefois, étant donné les circonstances, Caitlyn Jenner était tout aussi désignée pour la remise de ce prix.
Notons cependant qu’il n’est pas donné à tous de bénéficier d’une transformation glamour comme la sienne, faute d’argent. Notamment, Huguette St-Denis, anciennement Stéphane St-Denis, a énormément de difficulté à se trouver un emploi depuis qu’elle a annoncé qu’elle entreprenait des démarches pour changer de sexe.
Alors qu’elle était autrefois scriptrice d’humour pour des séries connues du patrimoine québécois telles que Les Boys, Histoire de filles, Les Parent et plusieurs autres, aujourd’hui, c’est à peine si elle est capable de se nourrir, fréquentant les banques alimentaires. De ce fait, même si elle subira prochainement une vaginoplastie, elle est dans l’impossibilité de se permettre autant de chirurgies que Caitlyn Jenner.
En dépit de la réceptivité de ses collègues face à son annonce, Huguette St-Denis a dû tirer un trait sur sa vie professionnelle. Si elle avait eu l’argent, souligne-t-elle, elle aurait fort probablement pu être une femme passant inaperçue. Elle se contente en contrepartie de maquillage, tentant de peine et de misère de camoufler sa proéminente pilosité.
Laverne Cox, actrice transsexuelle jouant dans la célèbre série télévisée Orange Is The New Black, affirme que ce sont les personnes trans comme Huguette que nous devons continuer de valoriser, car ce sont elles qui subissent le plus la discrimination, le harcèlement et la violence d’autrui, n’ayant pas accès aux mêmes privilèges :
Espérons que l’histoire de Caitlyn Jenner et Laverne Cox saura en inspirer plusieurs et qu’elle permettra, dans un futur proche, aux personnes telle que Huguette St-Denis d’exprimer librement leur identité sexuelle et de vivre leur vie comme elles l’entendent, comme n’importe qui.
N’oubliez pas de vous procurer votre exemplaire de l’édition de juillet du magazine Vanity Fair qui sera disponible dès demain (le 9 juin) dans les présentoirs des magasins.