Telle une comète, Vickie Gendreau est entrée dans nos vies de façon étincelante et fracassante. Nullement gênée, cette femme n’avait pas la langue dans sa poche et maîtrisait d’une main de maître la langue moderne française.
C’est trop peu trop tard que Vickie a connu son moment de gloire. Elle a marqué l’imaginaire de son entourage, du milieu de la poésie et de la performance avant de marquer celui du Québec tout entier avec son roman Testament ainsi que son passage à l’émission Tout le monde en parle. Dans ce livre, elle ouvre la porte sur son monde éclaté par un multitude de textes fragmentaires qui sont d’une beauté désarmante. Difficile de pouvoir honorer l’écriture de Vickie de façon adéquate, après tous les textes qui l’ont déjà fait.
La fervue de littérature qu’était Vickie nous lègue un manuscrit fragmenté entre le journal intime et la narration fictionnelle. Le lecteur navigue entre la vie racontée par Vickie et les réactions de son entourage imaginée par l’auteure. Le langage que vous y retrouverez est cru, intense et excessif, à l’image de celle qu’elle était. Le texte est poignant.
Le legs de Vickie est une poésie moderne qui semble à première vue incohérente, signifiant peut-être la folie de la maladie, certains penseront-ils, mais c’est tout le contraire. Cette incohérence est parfaite et permet de lire ce livre de plusieurs façons. Testament est un ensemble de textes co-dépendants l’un de l’autre, mais qui pourraient tout aussi bien être lus séparément. Par contre, ce type de manuscrit a aussi l’effet inverse: la lecture peut en devenir très mélangeante.
Qu’à cela ne tienne, les mots roulent en bouche et vous ne ferez qu’une bouchée de la plume fantastique de Vickie Gendreau. Sauf si vous êtes du pays des licornes. Soit vous le laisserai sur la tablette – quoi que vous passeriez à côté d’une lecture phénoménale – soit il vous ramènera vite sur terre, face à la dureté de la vie. À l’instar de son auteur, Testament n’a pas de filtre. Soyez préparés.
Vickie y manie l’art de la métaphore à la prati-perfection. Une auteure comme on en voit peu, qui peut peut-être parfois rappeler le style abrasif de Nelly Arcand à certains égards, mais la comparaison s’arrête là. Vous verrez aussi quelques bribes d’inspiration à la Michel Tremblay lors de certains passages. Le clin d’oeil aux Belles-Soeurs, de par les monologues entrelacés de certains personnages vers la fin du livre. Vickie Gendreau, une écrivaine pleine de talent partie décidément trop tôt.
En un sens, elle a remporté son pari: celui de léguer quelque chose avant de mourir. Et ce quelque chose est d’une grande qualité. Si Vickie vous offre un conseil, ce ne sera que celui-ci : n’attendez pas que d’être confronté à la mort pour aller au bout de vos rêves. Vivez.
Vickie est décédée à l’âge de 24 ans tout juste après avoir terminé son deuxième roman Drama Queens à l’aide de son ami et auteur, Mathieu Arsenault. Le livre Testament a été adapté au théâtre de Quat’sous et réédité par les Éditions Boréale. Originalement paru chez Le Quartanier.
Note: 9/10
Prix: Papier (Format Compat) 10,95$ (Format Original Quartanier) 18,95$ | Numérique (Epub & PDF) 10,99$
Collection: Boréal Compact
Éditeur: Boréal
Parution: Mars 2014
Genre: Littérature Québécoise, Poésie
Twitter: @alexephilibert