Cette pièce, Being at home with Claude, est un classique québécois de René-Claude Dubois écrite en 1984. La performance à laquelle j’ai eu la chance d’assister vendredi dernier célèbre magnifiquement son trentenaire. Les deux interprètes principaux, Benoît McGinnis et Marc Béland, me prédisaient déjà que ce serait une belle performance, mais j’ai été littéralement renversée.
On y raconte l’histoire de Yves, un jeune prostitué montréalais. Après avoir assassiné sans raison apparente son amant, il prévient les autorités qu’il y a un cadavre dans un appartement de la rue Casgrain. Peu de temps après, il avoue être le coupable. Toutefois, avant de rencontrer les policiers, il prend soin de voler les clés d’un juge ainsi que de prévenir un journaliste du Montréal Matin, trop heureux d’avoir l’exclusivité de cette nouvelle.
Cette prémisse incompréhensible est ce qu’essaie de décortiquer l’inspecteur en cette soirée de juillet 1967. Après plus de 24 heures à remâcher les mêmes questions et les mêmes réponses sans succès, l’accusé et le policier sont tous deux lessivés. L’inspecteur persiste, refait avec Yves le compte-rendu de ces derniers jours pour essayer d’y mettre un sens et, après de nombreuses tentatives, une éclaircie finit par percer cette histoire insolite. Yves, bouleversé de son geste, délivre ses tripes et son âme à ce policier sous le choc pour lui expliquer, avec un lyrisme unique, l’histoire d’amour qu’il a vécue et qui l’a poussé à l’acte.
Cette pièce, mise en scène par Frédéric Blanchette, se déroule entièrement dans le bureau de l’inspecteur et, quoique deux personnages secondaires fassent parfois irruption, Being at home with Claude, c’est surtout une confrontation entre deux hommes: l’inspecteur et le suspect. Le texte de René-Claude Dubois, qui exprime magnifiquement le contexte historique de l’époque, est toujours aussi puissant trente ans plus tard. Toutefois, la plus grande force de cette oeuvre, c’est Benoit McGinnis.
Toujours incroyablement talentueux dans chacune de ses pièces, McGinnis surpasse ici tous les possibles. Pendant son monologue d’une vingtaine de minutes, mon attention a été rivée sur lui alors que mon coeur bâtait la chamade et que mes mains tremblaient presque. Arrivant parfaitement à s’imprégner de son rôle par sa gestuelle, sa manière de marcher et sa manière de parler, il tord le coeur lorsqu’il délivre les mots de Dubois. Marc Béland est aussi très bon dans le rôle de l’inspecteur, mais McGinnis imprègne la scène à un point qu’on en oublie tout le reste. Les effets musicaux et sonores sont également particulièrement efficaces lorsqu’ils se conjuguent à des moments forts de la pièce. La scène finale est d’ailleurs prenante.
Being at home with Claude est un incontournable de la saison théâtrale. À voir absolument au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 11 octobre 2014.
Ce texte est aussi paru sur le site https://www.citeboomers.com
Crédit photo pour l’image principale: Jean-François Gratton
Amélie Lacroix Maccabée