Yves Saint-Laurent est un des plus grands couturiers et créateurs du XXe siècle. Avec son immense talent, il a su renouveler la mode tout en restant dans l’intemporalité. Un film biographique fait sur lui n’a donc rien de surprenant. Toutefois, le film français Yves Saint-Laurent de Jalil Lespert est absolument incontournable.
Le long-métrage se concentre sur vingt années cruciales dans la vie de l’artiste. Tout débute en 1957 alors que le jeune Yves, assistant à la maison de couture Dior, s’en voit confier la direction à la mort soudaine de Christian Dior. À 21 ans, à l’âge où la plupart picolent et font la fête, il se retrouve à la tête d’une des plus grandes maisons de haute couture avec plusieurs collections à produire par année. De nature extrêmement anxieuse, Saint-Laurent concentre toute son énergie dans sa création. Alors que la guerre frappe en Algérie, le jeune directeur doit subir des tests physiques et psychologiques, car il est appelé au combat. Il est déclaré inapte à se battre, puisqu’on lui diagnostique un trouble bipolaire, autrefois appelé trouble maniaco-dépressif. De retour à Paris après sa convalescence, la maison Dior s’est débarrassée de lui. Il projette donc, avec l’aide de son compagnon fidèle Pierre Bergé et de sa muse Victoire, de fonder sa propre maison de couture. Ce rêve se réalise finalement en 1962. Son innovation et la magnificence de ses œuvres sont vite reconnues et font de lui le créateur culte que nous connaissons aujourd’hui.
Ce film, c’est aussi et surtout l’histoire d’un couple: Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé. Deux êtres qui, malgré les infidélités, les troubles mentaux d’Yves et de nombreuses déchirures, resteront soudés jusqu’à leur mort. Yves Saint-Laurent, comme plusieurs artistes, souffrait de nombreux maux. Trop porté sur l’alcool, il mélangeait médicament, drogues et autres substances sans ménagement. Son comportement était souvent erratique, mais toujours, Bergé le ramenait à la surface afin qu’il se concentre sur son travail, car il le savait doté d’un don inouï.
Connaissant davantage les vêtements de Saint-Laurent que sa vie, je suis ressortie du visionnement de ce film frappée et bouleversée. Ce qui y est si poignant est la duplicité entre la beauté des vêtements créés et la douleur qui traverse leur créateur. Les défilés, portés par une musique magnifique, permettent au spectateur d’admirer les véritables créations de Saint-Laurent comme autant d’oeuvres d’art. Le jeune acteur Pierre Niney qui incarne Yves est touchant et transmet avec vérité chacun des sentiments vécus par son personnage. Le regarder à l’écran donne littéralement les larmes aux yeux. Guillaume Galienne en Pierre Bergé se défend bien aussi. Charlotte Le Bon, qui joue le rôle de Victoire, mannequin et amie des deux compagnons durant la première moitié du film, trouve ici un rôle parfait pour elle. Ancienne modèle elle-même, superbe, elle se fond dans son personnage.
Ce long-métrage, approuvé par Pierre Bergé lui-même, est donc davantage l’histoire d’un homme que celle d’un créateur de vêtements. Nul besoin de s’intéresser à la mode pour apprécier ce film. En se concentrant sur vingt ans de la vie de Saint-Laurent, le réalisateur a fait un choix judicieux, car cela permet de mieux suivre l’évolution du personnage. Les choix musicaux , les décors, les gros plans sur les croquis et les costumes ajoutent à la richesse du film. J’ai adoré ce film. En le voyant, j’ai aussi développé une admiration encore plus grande pour Yves Saint-Laurent qui a su, dans son incroyable angoisse, créer d’aussi beaux vêtements. Un film à voir absolument en salles ces temps-ci.
Amélie Lacroix Maccabée