Dans la vie, je suis quelqu’un de très orgueilleux.
Si t’es pas orgueilleux, j’vais t’expliquer un peu le principe. C’est quand à Noël tu te fais mettre à la « table des enfants » quand t’as vingt-quatre ans. C’est quand tu coules ton test de permis de conduire, mais que t’as besoin de prendre le char de ta mère pour revenir à la maison. C’est quand tu te plantes dans un oral parce que t’as oublié c’est quoi le paragraphe qui vient après le passage sur les pyramides.
Bref, être orgueilleux, c’est beaucoup de petites morts.
Au mois d’avril, je suis morte quatre fois.
Sans vous dévoiler les détails de celles-ci (j’suis orgueilleuse, t’sais), je peux toutefois vous en indiquer la nature: l’échec. Un rejet poignant, viscéral, qui te donne envie de faire une crise, en boule sur ton lit. Pareil comme quand t’avais quatre ans pis que tu découvrais c’était quoi, l’injustice.
On en a tous et toutes vécues, des situations douloureuses. Et on en vivra encore beaucoup. Seulement, notre amour-propre en prend des coups en pleine gueule. C’qui fait mal, c’est penser qu’on est invincible pour finalement se faire ramasser à la petite cuillère.
Quand ces morts-là arrivent, je me replie sur moi-même. J’y peux rien, c’est un réflexe. J’ai honte du rejet. Dans ma tête, c’est une autre preuve que je ne suis pas à la hauteur. De mes attentes, principalement. Et je suis sûrement la pire juge, parce que je suis si dure envers moi-même. Je cache tout, comme ça je peux être la seule à me juger. Pas besoin du regard négatif des autres, mes yeux myopes s’en chargent pour eux.
J’envie ces gens qui acceptent l’aide des autres. Qui trouvent réconfort dans les bons mots des amis Facebook sur des statuts-cri-à-l’aide: « Ça file pas aujourd’hui… »
Des fois j’aurais envie d’écrire ça sur mon Facebook moi aussi. Mais je ne le ferai jamais. Parce que je suis orgueilleuse, comme un paon fier qui ne peut s’avouer qu’il est faible parfois. Qu’il se sent laid, malgré son plumage. Qu’il souhaiterait être un grand cygne blanc avec une Maîtrise en physique quantique.
Fin avril, j’ai pleuré un bon coup.
Ça m’arrive rarement.
Mais quand ça arrive, je laisse tout le poids du monde retomber de mes épaules. Je prends le temps de retrouver l’Audrey-Maude de neuf ans, insécure, mais qui veut juste être aimée. Pis je revois l’Audrey-Maude de quinze ans, qui fait des blagues pour se faire aimer. Pis celle de vingt-et-un an, qui fait ce qu’elle peut.
Quand j’ai eu fini de pleurer, j’ai pensé à ma vie. Mon père qui vient de remporter son combat contre le cancer. Mon été qui s’en vient, ponctué d’un stage, d’un resto au bord de l’eau et d’une amie française en visite. D’amis si parfaits que je les encadrerais sur les murs de mon appart’. Je ne suis pourtant pas à plaindre.
Si vous me stalkez sur Facebook, vous allez voir que mes « Favorite Quotations » sont:
« Mieux vaut en rire qu’en pleurer »
– Dicton populaire
« ALL RIDE! »
– Sèxe Illégal
« Tell your friends I’ve got a factory of faith »
– Red Hot Chili Peppers
Sourire.
J’ai toujours été l’optimiste. Celle qui voyait le verre à moitié plein avec le rebord givré en sucre. Pis là, ça a changé.
Ma vie est si belle. Il faudrait que je focus là-dessus.
R’garde donc ça, j’pile sur mon orgueil pour parler d’orgueil. L’ironie, hein?
C’que j’essaie de vous dire maladroitement, c’est que c’est correct d’être vulnérable. C’est correct d’avoir des moments de faiblesse. C’est correct d’avoir peur.
C’est correct tant et aussi longtemps que vous gardez en tête que c’est normal.
C’est normal pis c’est ça qui fait que c’est beau. C’t’une boucle.
C’t’une boucle.
Audrey-Maude
Bonjour Audrey-Maud,
Merci pour ce beau texte plein de sincérité et de vécu.
Lire un texte qui détaille avec simplicité des choses ressenties m’est toujours agréable.
Je cherchais une définition de la blessure d’orgueil et je suis tombé sur vous.
C’est parfait, merci.
Je vous conseille le film : Playlist de Nine Antico (2021).
Je vous souhaite une très belle journée.
Stéphane