La beauté est une pute

Quand j’étais jeune, j’étais ordinaire. Ni laide ni belle, juste ordinaire. Surement que toi aussi.

La pré-adolescence est une période assez ingrate : le festival des broches, l’arrivée des hormones/boutons, bras-jambes trop longs chez certains gars, baby face, moustaches molles ET j’en passe. Moi, ça s’est passé de 5 à 15 ans, je dirais. Non, je n’ai pas connu la fameuse période des petits messages pliés avec le veux-tu-sortir-avec-moi-coche-oui-ou-non. Pas de becs sur les joues, ni ailleurs, cachés quelque part dans la cour d’école le midi. Arien. Mais, j’avais des bonnes notes à l’école et j’étais heureuse.

Mes 12 ans se sont pointés, les gars ne voulaient toujours rien savoir de moi. Le message venait d’être envoyé à mon petit cerveau de fille-future-femme : quelque chose cloche. J’étais la seule dans la « gang » avec qui personne ne voulait jouer à la tague BBQ/Bouteille/vérité ou conséquences (vérité ou french on va se dire les vraies affaires). Sauf qu’à 13 ans, y’a pas encore beaucoup de vérités dérangeantes à raconter assis en rond dans un sous-sol peu éclairé… Donc moi, je me ramassais tout le temps avec des conséquences poches comme : « Va dehors et fais le tour de la piscine en courant de reculons ». C’est pas ces moments-là qui te construisent un orgueil disons. Mais j’avais des bonnes notes à l’école et j’étais heureuse.

Après est venu le temps des premiers chums, vers 13-14 ans. Encore là, je pourrais dire que j’ai pas mal passé mon tour. En fait, j’aurais dû passer mon tour, mais je ne l’ai pas fait. Un gars, un jour, m’a dit que j’étais « cute ». HEY! LA déclaration de l’année. Baudelaire et Nelligan n’ont qu’à aller se rhabiller han! – À 13 ans on est facilement impressionnable. –  Je capotais. Le hic était qu’il avait une blonde. Le méga hic était que sa blonde était mon amie… ma meilleure amie. C’était le premier gars depuis que j’étais née qui me voyait comme autre chose qu’une amie avec qui se lancer la balle. Il ne m’en fallait pas plus à ma petite personnalité fragile et non confiante pour sauter la clôture. Je vous passe les détails, mais je m’en veux encore aujourd’hui, 11 ans plus tard. Ça été une période poche de ma vie de relations interpersonnelles… AU MOINS, j’avais des bonnes notes à l’école, et des amies qui ont su essayer de me pardonner.

Après ça, BOOM, 15-16 ans : hello puberté. J’étais maintenant invitée au all-you-can-eat des chum/gars qui te trouvent cute et qui ne se préoccupent pas de ce qui se passe dans ta tête AKA le p’tit quelque chose nommé PERSONNALITÉ et VALEURS. Moi, mon seul critère demeurait : « il s’intéresse à moi ». Ça a donné des relations courtes, ordinaires et beaucoup de Kleenex et de tunes tristes de Bon Jovi. AU MOINS, j’avais des bonnes notes et des maudites bonnes amies avec qui jaser de ça le midi, dans ‘cafétéria.

Aujourd’hui, quand un gars m’aborde en me disant que j’suis belle et autre qualitatif du genre, je roule souvent les yeux au ciel (par en-dedans). Dites-moi autre chose! La vie m’a appris que la beauté est une pute qui va et qui vient au gré de n’importe quoi. Au début, ça attire l’œil, oui, au même titre qu’un bon sens de l’humour, sauf qu’après 3-4 mois, n’importe qui devient moche quand sa personnalité te tape sur les nerfs. On se tanne de la beauté, pas du sens de l’humour. Ou de la sensibilité. Ou de la bonté. Ou de l’intelligence… Autant en couple qu’au travail. Ce qui est dans la tête donne l’heure juste aux gens. Le meilleur exemple, c’est nos amies qui nous aiment égal même à notre plus moche.

Je suis fière de ce que je suis devenue, mais plus de ce que je suis en train de devenir. Je crois profondément que je le dois à mon cerveau bien plus qu’à ma face. Il est là depuis le début lui. Il a toujours donné les résultats escomptés. Le bonheur, pis les bonnes notes sont encore au rendez-vous, CRIME. (Autres choses aussi, mais c’était pour faire le parallèle vous comprenez). Mon parcours de vie est dû à ma personnalité honnête (parfois trop), spontanée (parfois trop) et exubérante (parfois trop). Mon cercle social composé d’amitiés sincères. Des choses qui vont rester même si je reçois un jet d’acide dans le visage la semaine prochaine. L’exemple est fort, mais ça arrive encore en 2014.

Trouvez-vous belles, et si c’est trop dur, concentrez-vous donc sur autre chose, c’est plus important.

La beauté promet plus de choses qu’elle n’en apporte réellement. On peut payer pour l’avoir, en fait, pour correspondre aux idéaux établis. Elle va et vient, ou pas. La beauté est  pute. C’est la catin des compliments.

Signé, ironiquement, la fille qui te parle de maquillage toutes les semaines.

 

Sophie Antoine-Morin

[email protected]

2 réflexions au sujet de “La beauté est une pute”

Laisser un commentaire