J’ai 23 ans et je n’ai pas bu d’alcool depuis des mois. Je n’ai pas été saoule depuis des années. Ça surprend souvent les gens et je me demande pourquoi. Je me demande pourquoi les gens tiennent pour acquis que tout le monde boit, sauf les femmes enceintes et les anciens alcooliques. Pourquoi quelqu’un ne pourrait-il pas délibérément choisir de ne pas boire parce qu’il n’y voit juste pas d’intérêt?
Je me sens régulièrement comme un phénomène surnaturel. Lorsque, dans les soupers de famille, je bois gentiment mon Perrier, alors que les autres boivent du vin. Lorsque je vais dans un bar et que je me sens mal de demander un virgin drink parce que les serveuses n’aiment pas ça. Lorsque je me retrouve parmi des gens que je connais peu et que je me sens obligée d’inventer une excuse pour ma sobriété genre « je prends des antibiotiques », pour ne pas me faire poser de questions. Les gens sont soit perturbés ou semi‑admiratifs lorsqu’ils apprennent mon choix. Je ne fais pas un don de rein là, je ne fais que m’abstenir de consommer cette substance paraît-il essentielle au bonheur. Aux yeux de certains, c’est comme si je me privais d’air ou de lumière. Je trouve ça bon du moût de pommes et de la limonade. Je m’en fais des gros pichets et ça fait mon bonheur.
Adolescente, alors que mes amies découvraient l’alcool trop sucré à 20 h 30 dans des partys de sous-sol, je m’amusais à les regarder. À mon après-bal, j’ai tourné en rond, congelée, parmi les bouteilles de bière qui s’amoncelaient et j’ai vu un gars frôler le coma éthylique. Entre 17 et 20 ans, j’ai effectivement eu plusieurs soirées un peu trop arrosées de bières. J’ai eu ma phase de jeunesse et de sorties qui a résulté en beaucoup de maux de cœur, au propre comme au figuré. Beaucoup de souffrance pour pas grand-chose. Lorsque je suis entrée à l’université, l’obligation de sortir les samedis soir a cessé de devenir primordiale dans ma vie et j’ai assumé le fait que j’aimais beaucoup boire du thé dans mon divan. J’ai continué à boire un verre à l’occasion, mais sans plus. Mon corps pourtant se révoltait tout de même. Après deux consommations, j’avais le mal de bloc et me sentais terriblement mal. J’ai alors peu à peu réalisé que mon corps ne tolérait juste pas l’alcool et je ne m’en trouve pas plus mal. Je ne trouve pas que les maux de tête en valent la peine.
Parfois, dans des soirées quelconques, je me dis que je pourrais me réessayer à prendre un verre. Puis, j’ai beaucoup de plaisir en prenant ma limonade et j’oublie complètement cela. Je termine la soirée, toujours aussi sobre, et je me demande pourquoi je pensais m’y remettre. Comme si boire était important dans la vie, comme faire de l’exercice ou manger des légumes. Pourtant, même si je suis très heureuse ainsi, j’ai l’impression que ça me nuit à l’occasion. Lorsque je vais dans un bar, ce qui m’arrive de moins en moins, je ne me sens jamais vraiment à ma place. La musique augmente en même temps que les cris des gens et j’étouffe au milieu de toute cette cacophonie. Je me sens seule dans ma « sagesse ». Aussi, il me semble qu’il était tellement plus facile d’aborder quelqu’un avec quelques verres dans le nez. Sobre, je suis aussi gênée que si j’avais huit ans et je reste dans mon coin. Dans les relations interpersonnelles aussi, mine de rien, ça complique parfois les choses. J’ai en effet souvent de la difficulté à connecter avec des gens qui boivent très souvent. Pas parce que je les juge ou quoi que ce soit, mais parce que je n’ai juste pas l’impression de vivre dans le même monde qu’eux.
Mais ce qui m’énerve, c’est la société qui me renvoie le message que je rate ma jeunesse si je ne picole pas allègrement les fins de semaine. Ce qui m’énerve, c’est ceux qui me regardent d’un œil soupçonneux lorsqu’ils apprennent que je ne bois pas. Ce qui m’énerve, c’est toute cette industrie et cette glorification de l’alcool, et même de l’excès de celui-ci. Comme s’il était l’ingrédient principal du plaisir, comme si je ne pouvais pleinement profiter de la vie avec les idées claires. Bref, j’aimerais que les gens puissent faire les choix de vie qu’ils veulent sans être jugés sur la supposée non-conformité. J’aimerais que la conformité n’existe pas et qu’on me laisse boire mon Perrier en paix, merci bien.
Amélie Lacroix Maccabée
Je comprends la lourdeur que tu ressent, pour être honnête j’aurai réagi pareil que cette meute qui s’étonne…
Au fond je pense que c’est surtout de se dire « elle a pas besoin de ça… » Qui met mal a l’aise…
En tout cas toi tu vis en pleine conscience et c’est certainement pas valorisé mais fous toi en et tu le fais bien ;-)
Eric
Merci pour ces bons commentaires. :)
J’ai aujourd’hui 22 ans et je ne me suis pas »saouler » depuis bien longtemps… ça dois remonter à mes 16 ans. Je me sent comme un phénomène de foire jugé, mal à l’aise dans les bars et où l’alcool coule à flot. Peu à peu mes amis du secondaire ont cessés de m’inviter à leur »chillings » ou party parce que je partais toujours très tôt ou peut-être parce que je n’était plus assez cool pour eux. Au final, je me suis rendu compte que je n’avais pas grand chose en commun avec eux et nos parcourt de vie ont pris des chemins très différents avec les années… Aujourd’hui j’entretiens des amitiés solides basées sur autre chose que la consommation d’alcool et cela me convient parfaitement. Bref, tu n’es pas seule ! Passe une bonne journée.
Nous sommes probablement beaucoup plus que nous ne le croyons. Je suis très contente que ca t’aie touché. C’est dans la sobriété qu’on reconnait les vrais amis et leurs valeurs. Vive le cinéma et les salons de thés!
Je comprend tellement! Je ne ressent pas le besoin de boire pour passer une belle soirée… Ainsi je passe aussi pour l’extraterrestre dans ce type de soirée!
Je trouve ça un peu triste que la consommation d’alcool soit autant valorisée..
C’est étonnant de voir à quel point les jeunes en ont « besoin » pour se sentir « cool »!
Bref, je continue à respecter mes choix et ceux des autres :)