475, quand le mariage devient châtiment

Source www.nadirbouhmouch.com
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L’article 475 du Code pénal marocain permet aux violeurs d’épouser leur victime.

Par-don?

« Quiconque, sans violences, menaces ou fraudes, enlève ou détourne, ou tente d’enlever ou de détourner, un mineur de moins de dix-huit ans[176], est puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 200[177] à 500 dirhams. Lorsqu’une mineure nubile ainsi enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l’annulation du mariage et ne peut être condamné qu’après que cette annulation du mariage a été prononcée. »

Donc oui oui, l’article 475 du Code pénal marocain permet aux violeurs d’épouser leur victime pour éviter l’amende d’environ 60 $ et la prison.

Entassée avec 80 personnes dans une petite salle du Gesù, inondée par l’humidité soudaine qui sévit sur Montréal, Layla Belmahi est venue présenter hier le film 475, un long-métrage de Nadir Bouhmouch dont elle est coproductrice.

Au centre, Layla Belmahi discutant du film
Au centre, Layla Belmahi discutant du film

Ayant pour prémisse cette composante de la loi marocaine qui décoiffe pas mal plus que cette moiteur automnale étouffante (et si vous n’avez pas l’air clim, vous comprenez ce que je veux dire), la production réalisée par des étudiants marocains vise surtout à dénoncer la violence faite aux femmes dans ce pays subsaharien.

Ce n’est donc pas seulement l’histoire d’Amina Filali qui y est racontée. « Une adolescente se tue après avoir été contrainte de se marier avec son violeur », tels sont les grands titres que l’on a pu apercevoir dans les manchettes. Ce documentaire rapporte aussi l’épopée semblable de Fadoua Laroui, de Chouaa et de bien d’autres femmes au Maroc contraintes de marier leur agresseur. « La loi protège les hommes et les familles » nous montre le film réalisé sans financement, sans l’accord d’aucun parti, mais surtout en signe de protestation sociale.

En ce qui a trait à Amina, le film dénote une histoire bien plus épineuse que celle proposée par les Unes de nos journaux. Amina aurait fréquenté son présumé violeur avant que celle-ci fasse plainte, mais la loi marocaine ne prévoit rien en ce qui concerne le viol dans un couple. Sa famille aurait donc poussé la jeune mineure à se marier avec son agresseur pour ne pas attirer honte et déshonneur sur la maisonnée. On ne protège pas les femmes, on protège leur famille et l’honneur de ces mêmes familles.

Il y a des moments comme ça où j’ai l’impression que de chialer qu’il fait « donc ben chaud pour un mois de septembre » est littéralement déplorable de ma part, mea culpa tout le monde, mes cheveux friseront et le monde continuera de tourner.

La force du film réside dans son objectivité. On laisse tous les partis que ce soit la famille d’Amina, la famille du violeur, le gouvernement, les pro-islamistes, les anti-islamistes, tous on leur porte-voix. Sans compter qu’on amorce le débat à partir de la visibilité médiatique émanant du code 475 pour dénoncer ce qui fait l’objet de la véritable polémique : le statut de la femme au Maroc.

Je tire donc mon chapeau (qui on ne se le cachera pas sert à cacher mon bad hair day) à cette équipe d’étudiants qui cherchent par leurs petites actions à faire écho à la lutte pour l’amélioration des rapports sociaux entre les sexes. Leur démarche inspirante permettra peut-être d’abroger l’article 475 ou du moins, de soulever le débat dans les communautés occidentales, ainsi que dans les communautés mêmes où les femmes sont victimes de violence et d’injustices.

Héloïse Rouleau

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Mélanie Galipeau

Rédactrice, gestionnaire de communauté, entrepreneure et intervenante sociale engagée. Addict du Web et fascinée par le concept de groupe. She's a dreamer. Elle aime les fleurs, les cupcakes et dormir. Quand elle ne dort pas, elle est constamment à la recherche d'instants de zénitude et de bonheur.

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