Sillonnant la Turquie, magnifique et riche de sa culture où l’islam est maître, j’observe d’un regard curieux. Il n’y a que des hommes dans les rues. Mais où sont les femmes? Dans les maisons? Dans les cuisines? Rares sont celles qui travaillent avec le public. Afin d’étancher ma soif de compréhension, je cherchais un moyen de pénétrer l’environnement féminin des Turcs. J’ai donc été à la rencontre de deux sœurs qui m’ont généreusement reçue dans leur famille pour vingt-quatre heures. En voilà une rencontre des plus authentiques!
Habillée telle Dora l’exploratrice, je ne passe clairement pas inaperçue! Une femme qui marche seule dans la rue; elle n’est pas d’ici celle-là. Je sens bien les regards me dévisageant, emplis de questionnements et de jugements. Je suis une curiosité, un mystère insoluble. Pourquoi n’est-elle pas accompagnée? Trop loin de ce qu’est leur réalité, je contraste dans ce paysage pourtant urbain. Istanbul, Montréal, Paris, Bruxelles, Londres… Toutes de grandes villes actives. J’ai d’abord pensé que l’esprit y serait ouvert et ce, même au pays du kebab. Une affaire de culture ou d’ouverture d’esprit, me demanderez-vous? Nul ne peut se prononcer. Les Turcs savent que les comportements occidentaux sont différents, mais ils les acceptent difficilement. Les femmes turques sont joliment habillées; moi je porte des vêtements sans éclat. Mais après tout, c’est encore bibi qui récolte les jugements. Je ne suis ni accompagnée, ni turque. Deux poids, deux mesures.
Envieuse de comprendre, j’ai fait la rencontre de deux sœurs, deux jeunes femmes de 19 et 24 ans, via le site Couchsurfing.org. J’ai passé tout l’après-midi à papoter avec les femmes dans la cour; j’ai fait connaissance avec leur amie d’enfance, leur mère et leur voisine. Cette expérience unique m’a permis de poser des questions et d’écouter leur potinage pour finalement, mieux les comprendre. Bien certainement, il aura fallu attendre l’approbation du père avant de concrétiser mon accueil pour la nuit!
Quelle est la place des femmes dans cette société au croisement de l’Occident et de l’Orient? Les hommes ont bien leurs cafés réservés à leur intention. Et elles? Où se rencontrent-elles? Les femmes rient gentiment de ma naïveté. «Mais bien sûr que nous n’avons pas d’endroit à nous! Quelle question! » Elles m’expliquent que les femmes se rencontrent plutôt dans les maisons où l’hôtesse prépare thé et pâtisseries pour toutes. Elles dansent, elles parlent, elles rient et ce, toute la journée durant jusqu’à la semaine suivante où ce sera une autre d’entre elles qui recevra le groupe. Les filles espéraient en fait voir leur père aller plus souvent dans les cafés pour qu’elles puissent se retrouver !
Autre question épineuse : le fameux voile. Un choix ou une requête? Selon elles, la pression sociale est tellement forte que le choix n’est pas fait en toute liberté. Venant d’une famille où le voile est de mise, il est difficile de diverger et de décider de sortir du lot. Elles ne veulent pas décevoir ni leur famille, ni leur mari, ni leurs amies. La plus jeune des sœurs me disaient que les filles portant le voile restent avec d’autres filles dans la même position et cela amplifie la pression exercée sur elles. En contrepartie, les femmes voilées pourraient exprimer leur désir de porter le voile pour des raisons d’intimité féminine et de respect de la femme. Voilà bien des avis divergents à considérer.
J’avais bien une raison d’approcher ces jeunes femmes turques, soit pour répondre à mes interrogations. Mais elles? Quelle était leur motivation? De ce que j’ai compris, à l’approche de la prise d’autonomie, elles aimeraient aussi être indépendantes, libres de leurs choix, de leurs déplacements. Elles sont avides de comprendre les mœurs occidentales. Elles rêvent de voyages et d’aventures comme plusieurs autres. Le regard paternel désapprobateur les arrête pourtant. On leur a toujours dit ô combien dangereux c’était à l’extérieur. Une peur de l’inconnu s’est développée avec le temps, mais la curiosité persiste. Je viens d’Amérique; je suis une femme voyageant seule; j’ai leur âge; la curiosité c’est moi, et elles veulent me sonder. Au fond, elles souhaitent tout autant me comprendre que moi je veux les comprendre. Rencontrer une étrangère à la maison, c’est aussi un peu voyager sans avoir à sortir de sa zone de confort. J’étais peut-être un voyage accessible et approuvé.
Je n’ai rien à redire sur ces vingt-quatre heures passés en charmante compagnie. Les Turcs sont des gens où l’hospitalité veut tout dire. J’ai été choyée par leur engouement et leur intérêt. De l’autre côté des portes de ces maisons se cachent des gens, des femmes surtout, qui ont beaucoup à nous apprendre. Jamais je n’oublierai cette rencontre qui aura chamboulé ma perception d’elles : elles sont fortes, elles sont dignes, elles ont du caractère et beaucoup d’ambitions.
Et vous Bouclettes, si vous aviez à aller à la rencontre d’inconnus, qui seraient-ils?
C’est un excellent article. Bravo!
Je suis une femme turque, née en France qui Habite aux Etats-Unis. Je Vais fréquemment en Turquie et C’est une pays très moderne où les femmes sont en public, travaillent, se baladent, font du sport, vont à la plage, au café, au resto. Je ne sais pas à quelle ville ou quelle année vous Faites allusion mais au cours de mes 41 ans d’existence et multiples visites en Turquie, Je n’ai jamais eu votre expérience.