La musique au théâtre ? Ok. Prendre les deux médiums et en faire un album dramatique « live », en primeur à Zone Homa? Euh… Wow! Partant du concept de la théâtralité dans la musique, que l’on retrouve, entre autres, chez Dalida et Jean Leloup, la compagnie de théâtre La Bouilloire a décidé de donner un élan à la parole du quotidien par la musique, afin de raconter une histoire : celle des trois enfants de la famille Cardinaux. Une famille nucléaire, heureuse et réussie, avec des parents en union depuis 30 ans.
Ce sont donc les chemins des racines de Caro (l’aînée de 28 ans, dont le plus cher souhait est de fonder sa propre petite famille le plus rapidement possible), d’Iris (une candide solitaire de 25 ans, qui cherche à maintenir l’unité familiale) et de Fred (le cadet aventureux de 19 ans, qui a décidé de quitter le foyer familial pour un premier voyage « back pack » dans l’ouest canadien), qui se séparent depuis le tronc commun, le noyau familial. Ils racontent, à tour de rôle comme autant de pistes sur un album, les jeunes adultes qu’ils sont. Trois personnages aux voix réalistes, portées par le mouvement du tempo. « La musique est là comme une trame sonore aux évènements de leur vie et comme témoin à ce qui leur arrive. Comme un narrateur qui raconte tous les non-dits et qui traduit la complexité de l’état de chacun, en venant appuyer ou contredire ce qu’ils peuvent dire ou faire ».
L’idée a été lancée sur un coup de tête du concepteur original, Samuel Brassard, d’utiliser la musique à part entière dans un spectacle théâtral. De là, une étroite collaboration s’est créée avec l’auteure Janis Boudreault, alors à sa première pièce dramatique. Il fallait doter les personnages d’une expérience de scène hors du commun de mots justes. Selon les comédiens « sa force est dans la rythmique du langage. Elle amène sa propre musique au théâtre ». Cette qualité tombe donc à point avec le type du défi que Samuel lui lançait. Après une récolte fructueuse de musiciens, un vrai climat familial a permis à chacun de créer dans le plus grand plaisir. « Tout le monde se donnait de tout cœur, mais avec instinct. Cinq chansons ont été créées à la base, à partir de thèmes. Il y a eu ensuite quelques transformations pour adapter le texte, mais c’était toujours dans un accord commun, immédiat et naturel ». En fait, le format particulier de la pièce a impliqué un échange étroit entre ses créateurs, venant pourtant de milieux divergents, et a généré un climat d’écoute et de confiance. « La musique, en tant que telle, amène une ouverture d’écoute qui implique personnellement l’auditeur et le met en état de concentration. On s’attend à ce que le public soit, lui aussi, dans cet état réceptif et soit tout aussi attentif en écoutant notre spectacle que lorsqu’il entend pour la première fois un album qu’il vient tout juste d’acheter ».
Ce projet pourrait bien être une réussite de plus à ajouter au parcours de La Bouilloire. Avec Crustacé, présenté au Fringe cet été (mon coup de coeur du festival), ainsi qu’une autre pièce antérieure, Le rétroviseur, la jeune compagnie a de quoi cogner fièrement aux portes des institutions… et elle l’envisage ! Une chose est sûre, la musique a eu un tel impact dans leur toute dernière création qu’il serait fortement possible que se produise à nouveau, comme les membres ont le plaisir de l’appeler, un « métissage artistique » !
Les trois cardinaux est une pièce présentée ce soir, à 20h, à La Maison de la Culture Maisonneuve, dans le cadre de Zone Homa.